Les Juifs, le sionisme et Israël
Soutenir
le peuple palestinien
Il est difficile de ne pas commencer
par l'actualité. Dans la guerre qui oppose le gouvernement et l'armée
israélienne au peuple palestinien, il y a un occupant et un occupé. Il y a
un peuple qui compte ses morts par milliers, qui subit tous les jours les
pires humiliations, à qui on vole la terre et l'eau, dont on détruit les
maisons et les infrastructures. Et il y a des colons, fanatisés et
surarmés dont la présence est la cause principale de la guerre. Il y a des
Palestiniens qui ont fait une concession majeure : limiter leur futur état
aux territoires occupés en 1967 soit 22% de la Palestine historique. Et il
y a une classe politique israélienne qui reste autiste. La droite rêve
toujours d'Israël du Nil à l'Euphrate et d'une expulsion massive des "Arabes".
Quant à la prétendue gauche, elle n'a jamais imaginé autre chose pour les
Palestiniens qu'un "bantoustan". Et elle n'a jamais cessé la
colonisation.
Je n'idéalise pas la société palestinienne qui a aussi ses
intégristes ou ses racistes. Mais le peuple palestinien n'a qu'un seul
choix : résister malgré les massacres et les humiliations. Il a besoin de
notre soutien total. On ne peut donc pas se contenter "d'être pour la
paix" ou de renvoyer dos-à-dos les belligérants. On doit exiger le
retrait d'Israël de tous les territoires occupés en 1967, le démantèlement
de toutes les colonies et l'expulsion de tous les colons.
La
question centrale
D'autres seront beaucoup plus compétents que moi
pour parler de cette guerre. Je vais donc limiter mon intervention à une
question cruciale pour la suite de la guerre. Pourquoi la grande majorité
des Juifs soutiennent-ils, quoi qu'il fasse, le gouvernement israélien (la
manifestation du CRIF vient hélas encore de le prouver) ? Pourquoi, à
l'heure où l'on réalise (enfin) les ravages des nationalismes, le Sionisme
reste-t-il si populaire chez les Juifs ? Comment un peuple qui a subi
l'extermination nazi peut-il pratiquer ou approuver les violations
quotidiennes des droits les plus élémentaires ?
Ma réponse, et c'est ce thème que je vais développer, c'est
que le Sionisme et l'Etat d'Israël constituent une espèce de perversion de
l'identité Juive (qui est essentiellement liée à la diaspora) et que la
dérive actuelle est la conséquence d'une réécriture de l'histoire du
Judaïsme. La construction artificielle d'une prétendue identité
israélienne s'est faite en détruisant les langues, les cultures et les
valeurs des Diasporas. La société israélienne est malade et éclatée. Sa
seule cohésion, c'est le fantasme de l'encerclement hostile et de la
destruction, c'est l'agitation perpétuelle du souvenir de l'antisémitisme
et de la Shoah. Mais là encore, il y a à mon sens, une escroquerie. Le
Sionisme n'a aucune vocation à lutter contre l'antisémitisme et n'a aucun
droit à récupérer la Shoah.
Qu'est-ce qu'être Juif ?
Au départ, il y a un peuple lié à une religion
et à un territoire mais tout s'est modifié après la destruction du IIe
temple par les troupes romaines (70 ap. JC). La dispersion (diaspora) a
entraîné de nombreuses conversions (dans les deux sens).
Il est clair que, physiquement, un Juif
éthiopien (Falacha) ne ressemble pas à un Juif d'Afrique du Nord ou à un
Juif d'Europe centrale. On est au départ juif par religion. L'Inquisition
espagnole passera à une définition raciale puisque, après l'expulsion des
Juifs, elle s'en prendra aux "conversos" et aux Marranes, bref à
tous ceux qui ont "du sang juif". L'antisémitisme moderne et en
particulier le nazisme définira également les Juifs comme une "race"
inférieure qu'il faut anéantir. Mais le Sionisme aussi donne une
définition "raciale" du judaïsme. On est juif "par sa mère".
Ainsi, moi qui suis né de parents Juifs, athée, non circoncis,
antisioniste et de culture française, je peux devenir automatiquement
citoyen israélien si j'émigre alors qu'un "Arabe israélien" (terme
désignant les Palestiniens qui ne sont pas partis en 1948) sera toujours
un étranger dans son propre pays qui se définit comme un "Etat juif".
On confond trop souvent le peuple juif
(ou plutôt les peuples juifs, car les histoires des diasporas ont beaucoup
divergé), la religion israélite, l'idéologie sioniste et la nationalité
israélienne. Il s'agit de 4 concepts bien distincts.
Il existe une version tragique de
l'histoire des Juifs. C'est celle "du Dernier des Justes", le livre
d'André Schwartz-Bart (1959). C'est l'histoire d'une famille qui commence
avec le pogrom d'York en Angleterre au Xe siècle et qui
s'achève à Auschwitz où le dernier descendant est gazé. L'histoire des
Juifs n'a pas toujours été aussi tragique. C'est avant tout celle d'un
peuple sans territoire qui a appris (comme les Tsiganes) à défendre son
identité, ses valeurs, sa culture malgré l'adversité. Un peuple qui, par
nécessité, a développé des formes d'universalisme, de cosmopolitisme. Un
peuple forcé de vivre dans des "ghettos" et de pratiquer les
métiers interdits aux autres (dont l'usure). Un peuple qui a emprunté chez
d'autres peuples (espagnol, allemand, arabe) ses langues (le ladino, le
yiddish, le judéo-arabe), sa musique et une partie de sa culture.
L'antisémitisme
Au départ les Juifs ont subi un antijudaïsme
essentiellement chrétien (les Juifs étant "déicides"), marqué par
des massacres (les Croisades ont commencé par un génocide contre les Juifs
de la vallée du Rhin) et des pogroms (en Espagne, en Europe orientale).
Dans les pays musulmans, les Juifs avaient un statut, comme toutes les
minorités religieuses pratiquant une "religion du Livre". Statut
d'infériorité mais qui les protégeait, sauf en cas de crise, des
exactions. L'antijudaïsme religieux va prendre une nouvelle forme dans
l'Espagne du XVe siècle. L'unification du pays et la
construction d'un Etat moderne s'accompagne d'une véritable "purification
ethnique" contre les Maures et les Juifs.
La sortie du ghetto commence en
Allemagne au début du XVIIIe siècle. Elle se poursuit avec les
droits qu'obtiennent les Juifs européens après la Révolution française.
Cette possibilité de sortie du ghetto se traduit chez les Juifs par un
profond désir d'assimilation, par une distanciation avec la religion et
par une adhésion massive à la laïcité, aux idées des "Lumières",
voire aux idées révolutionnaires naissantes.
L'antijudaïsme chrétien traditionnel
cède alors la place à l'antisémitisme moderne. Le Juif personnifie celui
qu'on ne voit pas mais qui est là, qui ressemble à l'autre mais qui est "impur".
Il est haï, non pas parce qu'il vit ailleurs, mais au contraire parce que
socialement il s'est intégré et qu'il brise les délires de société
homogène, ethniquement pure et parfaitement ordonnée. Il est perçu comme
un obstacle à la construction (nationaliste) des états modernes. Il est
significatif que le pays où l'antisémitisme a atteint sa forme la plus
extrême (l'Allemagne) est celui dont les Juifs étaient culturellement les
plus proches. Les Juifs européens parlaient une langue dérivée de
l'allemand. De très nombreux intellectuels, écrivains, artistes ou hommes
politiques allemands étaient juifs ou d'origine juive.
La figure juive qui est insupportable à
l'antisémite pathologique, c'est celle de Marx, de Freud, de Kafka, de
Rosa Luxembourg, bref c'est cette forme d'universalisme ou de pensée
rebelle. C'est là qu'il faut éviter tout contresens avec les attaques
actuelles contre des synagogues ou des écoles juives. Ces attaques
imbéciles, fort bien condamnées par Leïla Shahid viennent de gens qui font
les mêmes assimilations hâtives que les Sionistes. Ils mélangent juif,
israélite, israélien et sioniste. Ils s'imaginent que leur acte est une
forme de protestation contre la violence de l'armée israélienne alors
qu'ils desservent la cause palestinienne.
Encore une fois, l'antisémitisme
historique, celui de Céline, de Brasillach ou du régime de Pétain ne s'en
prenait pas à l'image du tankiste israélien. L'antisémitisme a frappé un
peuple dont la culture minoritaire a disparu. La moitié des Juifs
Européens a été exterminée par les Nazis. Et le Sionisme s'est ingénié
auprès des survivants à faire disparaître la spécificité du peuple Juif en
construisant un pays "ethniquement pur", reproduisant les mêmes
tares que bien d'autres régimes qui ont cultivé ce mythe meurtrier.
L'antisémitisme a été un élément fondateur et fédérateur de toutes les
formes de fascisme et il n'est pas étonnant que Le Pen reprenne
régulièrement des thèmes antisémites. Mais l'antisémitisme n'a rien à voir
avec l'antisionisme. Il y a des Juifs antisionistes (peu hélas) et il y a
en revanche beaucoup de fascistes qui ont, dans leur racisme anti-arabe,
une certaine admiration pour Israël. Encore une fois, il faut lutter
contre toute banalisation de l'antisémitisme ou de l'antijudaïsme. Mais en
s'engageant à fond dans le soutien à Sharon, les "institutions Juives"
(je reviendrai plus loin sur le CRIF) favorisent la confusion et en
profitent pour inciter les Juifs français à émigrer en Israël.
Le Sionisme et la réécriture de l'histoire
Il est symptomatique de constater que les
dirigeants sionistes ont toujours eu le souci de propager une version de
l'histoire du judaïsme qui fasse de la construction de l'Etat d'Israël un
aboutissement naturel. Ainsi Shamir, à l'ouverture de la conférence de
Madrid (1991, premier pas vers les accords d'Oslo) affirme que les Juifs
sont en Palestine sans interruption depuis 4000 ans. C'est bien sûr faux.
Entre la prise de Massada par les Romains (vers 130 ap JC) et l'arrivée de
Juifs Espagnols en Galilée à la fin du XVe siècle, il n'y a
quasiment plus de Juifs en Palestine, en tout cas beaucoup moins en
proportion que dans les pays voisins. Ministre de l'Education de Sharon,
Mme Livnat en rajoute une couche. "La Palestine a été envahie par les
Arabes comme l'Espagne et elle s'en est libérée comme l'Espagne (! !).
Les Juifs seraient majoritaires à Jérusalem depuis 1868" etc.… Des
délires ? Certes, mais les partisans de la Grande Serbie déliraient aussi
en affirmant que les Albanais étaient des envahisseurs venus du Caucase et
les génocidaires du Rwanda déliraient en affirmant que les Tutsis étaient
des étrangers venus d'Ethiopie. On a vu le résultat de ces délires. Il est
facile de réécrire l'histoire. Dans le Golan occupé, j'ai vu des villages
dynamités, des mosquées écroulées. Par contre, à l'entrée de Qatzrin ; la
ville nouvelle israélienne, on a opportunément retrouvé les ruines d'une
synagogue de l'Antiquité. Le tour est joué et l'annexion justifiée.
Le Sionisme se définit comme un "mouvement
de libération national". Il apparaît au moment de l'affaire Dreyfus et
du pogrom de Kichinev. Jusqu'en 1945, il sera minoritaire parmi les Juifs
européens. Il y avait 100.000 Juifs en Palestine au moment de la
déclaration Balfour (1917) et 400.000 pendant la deuxième guerre mondiale
(1/3 de la population de la Palestine). Les Juifs d'Europe à cette époque
ont massivement abandonné toute pratique, voire toute croyance religieuse.
Ils ont massivement adhéré aux idées révolutionnaires. On en trouve dans
tous les partis et en particulier au P.C. Pour les nazis, Juif=Bolchevik.
Un autre mouvement, le Bund est hégémonique en Pologne. Il prône la
libération des Juifs par la révolution socialiste, l'égalité des droits et
l'autonomie culturelle.
Bref, face aux communistes pour qui "il
n'y a pas de question juive" ou aux Sionistes qui revendiquent un
territoire (avec le fameux mythe meurtrier de "la terre sans peuple
pour un peuple sans terre"), les Bundistes proposent une émancipation
des Juifs sur place, sans territoire spécifique. Au départ, la "gauche"
est largement majoritaire chez les Sionistes. Le Poale Sion sera en URSS
un compagnon de route du P.C. jusqu'à son élimination par Staline. Les
kibboutzim sont fondés par des socialistes utopiques. Et les jeunesses
sionistes (l'Hashomer Hatzaïr) serviront souvent d'antichambre à un
engagement plus radical.
Mais les institutions juives qui
s'installent en Palestine organisent dès le départ l'expropriation des
Palestiniens de leurs terres. Dès 1930, apparaît la droite sioniste. Son
chef, Jabotinski, se définit comme "révisionniste". C'est un
admirateur de Mussolini qui prône l'expulsion de tous les Palestiniens.
C'est son programme que Sharon essaie d'appliquer aujourd'hui. La droite
Sioniste n'est pas un accident de l'histoire. C'est la conséquence
inévitable de toute logique nationaliste qui, au nom des prétendus
intérêts d'un peuple, finit par nier les droits de tous les autres.
La Shoah
Israël est une conséquence indirecte de la
Shoah. Avant Auschwitz, l'idée que la seule solution pour les Juifs était
d'avoir un état était largement minoritaire. Le génocide perpétré par les
Nazis représente bien la barbarie absolue, l'énergie de l'Etat le plus
puissant du monde étant entièrement tournée vers l'extermination de masse.
D'autres régimes barbares ont essayé d'imiter les Nazis mais sans en avoir
les moyens. Et il serait ridicule de comparer les atrocités actuelles
commises en Cisjordanie ou à Gaza avec la Shoah.
Les Sionistes affirment que si Israël
avait existé, les Juifs auraient été sauvés. Mensonge évident. La
résistance Juive au Nazisme a été essentiellement communiste ou Bundiste.
Les communistes juifs qui avaient massivement participé aux Brigades
Internationales se sont engagés dans la résistance souvent contre l'avis
du parti avant l'attaque de l'URSS par Hitler (voir l'exemple de Léopold
Trepper, fondateur de "l'orchestre rouge"). Ils ont formé une large
partie de la MOI ("main d'œuvre immigrée"), principal groupe de
résistance à Paris en 1943. Les Bundistes ont joué un rôle déterminant
dans l'insurrection du ghetto de Varsovie. Tous les Juifs n'ont pas eu la
même conscience. L'UGIF (Union Générale des Israélites Français), ancêtre
du CRIF, a collaboré avec le régime de Pétain en donnant ses fichiers et
en sacrifiant les Juifs étrangers (lire Maurice Rajsfus). Il y a eu des
Juifs collaborateurs espérant naïvement sauver leur peau. Le groupe
Manouchian exécutera le traître Rabinowicz et les insurgés de Varsovie
liquideront l'administration (juive) du ghetto ?
Et les Sionistes ? Il a existé très peu
de groupes de résistance sionistes. En Palestine, de nombreux Juifs se
sont engagés dans l'armée anglaise (Moshé Dayan a perdu son œil en
combattant les Pétainistes en Syrie) mais la droite sioniste est restée
aveugle très longtemps. En 1942, le groupe Stern commettait toujours des
attentats … contre les Britanniques.
La fondation d'Israël
Avec l'ouverture des archives, des historiens "
dissidents " israéliens ont pu réécrire la vraie histoire de la guerre de
1948. Ilan Pappé montre que l'image du "David israélien face au Goliath
arabe" est assez largement une invention propagandiste. Consciemment,
la "communauté internationale" et l'ONU ont choisi de faire payer
au peuple palestinien les crimes du Nazisme dont il n'était pas
responsable. La visite en Allemagne Nazi du grand mufti de Jérusalem a été
habilement utilisée.
Les Palestiniens appellent cette guerre
la "Nakba" (la catastrophe). On sait maintenant qu'ils ne sont pas partis
spontanément. Le plan "Dalet" (D en Hébreu) avait prévu leur
expulsion et la supériorité militaire israélienne ne faisait aucun doute.
Des villes comme Lydda (Lod) ou Ramla ont été vidées de leur population
palestinienne en une journée. Là où les Palestiniens sont restés (Haïfa,
Nazareth), ils le doivent à la présence militaire de l'armée britannique.
Bien sûr, c'est l'Irgoun, bras armé de la droite de Begin, qui a réalisé
le massacre de Deïr Yassine mais Pappé montre qu'il y avait
complémentarité entre ces milices et la nouvelle armée israélienne. La
responsabilité des régimes arabes est écrasante. Ils ne se sont pas
vraiment battus, ils ont même pactisé avec les Israéliens (pour la
Jordanie, c'est évident). Ils ont contribué à peupler le nouvel Etat
d'Israël en incitant assez vivement le million de Juifs des pays arabes à
partir.
Une
société à la dérive
Israël s'est fondé sur des mensonges
(la terre sans peuple, le départ "spontané" des "Arabes") et
sur la négation de l'existence et des droits du peuple palestinien. Le
pays s'est transformé en une tête de pont de l'impérialisme américain dans
la région. Au départ, la justification de l'existence d'Israël était que
c'était la seule solution pour les Juifs persécutés dans le monde entier.
Cette justification ne tient plus. Seule, une minorité d'Israéliens a
connu ces persécutions. L'arrivée massive des Juifs du Monde Arabe, des
Juifs soviétiques ou l'émigration actuelle correspondent à une autre
histoire, celle d'un prétendu "retour identitaire".
Le projet sioniste est devenu dès les
années 50 un projet de conquête et de peuplement. Pour fabriquer
l'Israélien nouveau, il a fallu détruire patiemment le "Juif",
l'étranger, le cosmopolite, l'universaliste, l'exilé… Il a fallu liquider
les langues de la Diaspora. Il a fallu redéfinir le Juif, définition
forcément raciale et religieuse. Le pays est devenu théocratique. Alors
que les "laïques" étaient largement hégémoniques au départ, les
religieux les plus fanatiques ont surfé sur ce pseudo repli identitaire.
La conquête de nouveaux territoires en 1967 était préméditée. Les plans
militaires étaient prêts depuis longtemps. C'est la "gauche" qui a
installé les premières colonies.
La formidable progression de la droite,
de l'extrême droite et des religieux est le résultat de cette fuite en
avant. L'arrivée au pouvoir de Begin en 1977, c'est un peu comme si
Salan et l'OAS avaient pris le pouvoir en France pendant la guerre
d'Algérie. Tous les dirigeants de cette droite ont commis des crimes
de guerre : Begin à Deïr Yassine, Shamir en commanditant l'assassinat du
comte Bernadotte, Sharon en permettant l'entrée des milices phalangistes à
Sabra et Chatila. Il y a clairement des Juifs fascistes (aussi
choquant que cela puisse paraître) : le rabbin Meïr Kahane (assassiné)
fondateur du Kach, l'assassin de Rabin (dont la famille est venu du Yémen,
voilà le résultat d'une destruction de ses racines) ou le ministre
Libermann qui rêve de bombarder le barrage d'Assouan. L'extrême droite est
à la fois "laïque" (des partis comme le Tsomet, le Moledet) et
religieuse (le Shass, le PNR, le Goush Emounim …). Le projet d'installer
des colonies dans les territoires occupés en attirant les immigrants par
des subventions, des loyers ridicules et des installations luxueuses est
un projet fasciste. Toutes ces colonies devront être démantelées.
Et la gauche israélienne ?
Majoritairement (l'establishment travailliste), elle rappelle Guy Mollet
pendant la guerre d'Algérie. Elle a organisé ou approuvé tous les mauvais
coups contre la Palestine. Elle soutient le gouvernement Sharon. Elle est
prête à accepter un Etat Palestinien mais réduit à un bantoustan : sans
unité, sans viabilité, sans terres, sans eau, sans capitale. Il existe
heureusement une minorité vraiment pacifiste : les réfractaires qui
proclament que l'occupation corrompt toute la société et une poignée de
personnalités (Amira Hass, Michel Warchawski, Ilan Pappé, Ury Avnery…).
Quelques politiciens comme Yossi Beïlin, ou Abraham Burg évoluent vers ces
positions.
En Diaspora, le Sionisme a transformé
toutes les organisations juives en organismes de propagande et de soutien
inconditionnel à la politique israélienne. C'est le cas notamment du CRIF
(représentatif de rien du tout, la plupart des Juifs français qui ne
fréquentent pas ce genre d'institution n'ont jamais été consultés).
Pour conclure
On me dit parfois : "Tu as de
la chance. Comme Juif et fils de déportés, tu peux te permettre de dire
certaines choses. Nous, on nous taxera d'antisémitisme." (Moi, on me
taxera de traître ou de Juif honteux). Il me semble qu'il faut raisonner
autrement. Fait-on du racisme anti-arabe quand on dénonce le GIA ou les
fous de Dieu ? N'y a-t-il pas au contraire urgence à défendre les Arabes
qui refusent l'intégrisme ? Pour le Sionisme, c'est pareil. Non seulement
il commet des crimes contre le peuple Palestinien, mais il constitue une
pression intolérable contre les Juifs qui refusent la dérive nationaliste
et le repli communautariste.
Le Sionisme représente pour l'histoire
du Judaïsme un peu ce que représente Milosevic pour l'histoire du peuple
Serbe : une dégénérescence, le résultat d'un processus nationaliste, un
enfermement de la pensée dans une logique névrotique et au bout du compte
beaucoup de crimes. Quand je dis cela, je ne dis pas qu'il faut détruire
Israël. On ne refera pas l'histoire et les dirigeants Palestiniens l'ont
bien compris. Ils ont aussi fini par comprendre l'importance de la Shoah.
Mais les mensonges fondateurs, "la loi du retour", l'arrogance …
tout ceci doit cesser. La paix nécessitera à la fois un retrait de tous
les territoires occupés, une égalité totale et une reconnaissance par
l'Etat d'Israël de la "faute" originelle : les Palestiniens
n'étaient pas responsables de la Shoah, on n'avait pas le droit de leur
voler leur pays … et de continuer à le faire.
Pierre Stambul
Professeur de mathématique à Marseille
stambul.pierre@wanadoo.fr
Cet article a paru dans le
n°10 de la revue L'Ecole Emancipée
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