LA SHOAH

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Deux sortes de révisionnistes
.... On appelle aujourd'hui "révisionnistes" les personnes qui contestent les chiffres officiels de la shoah, c'est-à-dire de l'holocauste juif perpétré par le nazisme (et dont certains contestent même la réalité).

Je considère qu'il y a deux sortes de révisionnistes : d'une part ceux qui cherchent tout simplement à établir une vérité historique aussi certaine que possible, et, d'autre part, ceux qui, mus par des nostalgies politiques, voire un antisémitisme à peine voilé, ne cherchent qu'à minimiser les atrocités du nazisme afin de rendre celui-ci plus "admissible".

Contre les premiers, il n'y a évidemment rien à dire, sauf que, pour les raisons que je donnais plus haut, leur action est sans doute prématurée. Au reste, à partir du moment où l'Etat d'Israël revendique officiellement le chiffre de 6 millions de victimes de l'holocauste, il devient très difficile à tout historien objectif de ne pas être honnêtement révisionniste, puisque tout indique que ce nombre est exagéré.

Mais cela ne signifie nullement que les Israëliens ou les Juifs mentent. Il faut comprendre que devant l'indicible horreur de l'évènement, tel qu'il fut perçu à la fin de la guerre, et le formidable traumatisme collectif qui en résultait pour les survivants et leurs descendants comme pour les familles des disparus, il était inévitable qu'ils s'emparent du nombre le plus grand qui ait circulé, toute vérification pointilleuse étant impossible à l'époque. Après quoi, il leur était quasiment impossible de l'abandonner, quelles que fussent les informations plus précises qui venaient au jour, car en ce cas ils auraient eu le sentiment de faiblir, de consentir eux-mêmes à minimiser leur martyre, ce qui était psychologiquement au-dessus de leurs forces.
Le chiffre de 6 millions était devenu un mythe mémorisé et tout ce qui pouvait le remettre en question ne pouvait être vécu que comme un sacrilège, sinon même l'ombre d'une nouvelle menace. C'est ce qui explique que des historiens comme Marcel Ruby, cité dans l'article de notre ami Jean Blum-Kron, aient pu établir un chiffre plus véridique, de l'ordre de 4 ou 4,5 millions, sans être pour cela taxés de révisionnisme, mais sans pour autant que le chiffre officiel soit modifié si peu que ce soit.

Autrement dit, de nombreux Juifs peuvent être conscients que le nombre de victimes établi par Marcel Ruby est plus proche de la vérité, sans que cela puisse les amener à renoncer au chiffre "mythique", craignant s'ils le faisaient, et sans doute à juste titre, d'ouvrir une brèche dans laquelle s'engouffreraient tous ceux qui voudraient réduire l'holocauste à un "détail" de la seconde guerre mondiale.


Peut-on légiférer sur l'Histoire ?
Dans le but de respecter et de faire respecter cette "vulnérabilité psychologique" qui, encore une fois, doit être comprise et acceptée, eu égard aux terreurs qui l'expliquent et la justifient, on a cru devoir établir une loi (Loi Fabius-Gayssot du 13 juillet 1990) qui interdit le "révisionnisme".
En ce qui me concerne, je trouve cette loi totalement ridicule, pour les raisons suivantes :
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le crime de génocide se définit par son principe et non par le nombre de ses victimes. Le crime monstrueux est dans le fait de mettre à mort des êtres humains pour la seule raison qu'ils appartiennent à un groupe ethnique particulier, sans nulle considération des actes individuels réels, néfastes ou bénéfiques, qu'ils ont pu accomplir, puisqu'ils ne sont pas même jugés.

Que les nazis aient exterminé des Juifs ou des Tziganes simplement parce qu'ils appartenaient à des communautés juives ou tziganes, là se tient le crime tout entier. Qu'ils en aient exterminé six millions, ou quatre, ou deux ou un seul ne change strictement rien à leur indignité. Et c'est pourquoi je trouve les révisionnistes "idéologiques" tout aussi ridicules que la loi qui les condamne. Car les nazis ne seraient en aucune façon rendus moins coupables par une diminution du nombre des victimes recensées.

D'ailleurs, la justice est passée, à Nuremberg d'abord, puis dans d'autres procès comme celui d'Eichmann. Etant donné qu'un criminel génocidaire ne peut être pendu qu'une seule fois, on ne voit pas comment le nombre de ses victimes, selon qu'il serait augmenté ou diminué, pourrait aggraver ou réduire sa peine. L'Histoire déterminera un jour, s'il se peut, le nombre relativement précis des morts, mais je ne crois pas que ce jour soit arrivé. Et pour lors, le "révisionnisme" me semble dépourvu de tout intérêt.

Par contre, il se pourrait que les suites de la Shoah dissimulent un scandale autrement plus sérieux, dont je voudrais vous parler maintenant.


Un holocauste qui rapporte
Un lecteur m'a fait parvenir un livre que vous ne trouverez pas en librairie, car il n'a fait l'objet en langue française que d'une édition privée appelée "pré-publication", et dont les exemplaires ont été réservés aux abonnés à "La Vieille Taupe - organe de critique et d'orientation postmessianique" (BP 98, 75224, Paris cedex 05).

L'édition originale du livre a été publiée en anglais par l'éditeur Verso à Londres et à New-York. Son auteur est le Professeur Norman G. Finkelstein et il a pour titre "L'Industrie de l'Holocauste".

Voilà un titre pour le moins surprenant, mais le contenu du livre l'est bien plus encore.
Je précise d'emblée que Finkelstein est un Juif dont les propres parents furent déportés dans les camps de concentration nazis. On ne saurait donc le soupçonner de quelque complaisance que ce soit envers les promoteurs de la "solution finale". Son livre n'a d'ailleurs rien à voir avec un quelconque révisionnisme et le nombre réel des victimes de la Shoah n'est pas sa préoccupation majeure. Ce qui l'indigne aujourd'hui, et ce contre quoi il a décidé de s'insurger, en tant que Juif certes, mais aussi en tant qu'homme de justice et de vérité, c'est l'exploitation abusive et quasi commerciale de l'Holocauste à laquelle se livrent, estime-t-il, les puissantes associations juives américaines. Et son livre s'ouvre sur une citation du rabbin Arnold Jacob Wolf, Directeur à l'Université de Yale, qui écrit : "Il me semble qu'on vend l'Holocauste au lieu de l'enseigner".
Il faut noter que toutes les analyses et critiques de l'auteur se situent dans le contexte juif américain, qui est particulier, compte tenu du fait que la communauté juive américaine joue un rôle important dans les milieux financiers et politiques des Etats-Unis, et qu'elle fait évidemment tout ce qu'elle peut pour le rendre plus important encore. (C'est d'ailleurs tout naturel et humain. Les Irlandais font de même. Les Siciliens aussi, quoique dans d'autres sphères.)


En Amérique, on voit toujours plus grand !
Aussi, dans toute la première partie du livre, Norman Finkelstein montre comment le comportement des Juifs américains a évolué au fil du temps depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ces Juifs voulaient avant tout être des Américains bien intégrés et parfaitement assimilés. Aussi se souciaient-ils fort peu de l'holocauste ainsi que de l'Etat d'Israël, qui risquaient d'accentuer leur particularisme. Et Finkelstein témoigne : "De quelque bord politique qu'ils fussent, les intellectuels juifs américains étaient absolument indifférents au destin d'Israël. (...) Alors intervint la guerre de 1967. Impressionnés par l'écrasante démonstration de force israélienne, les Etats-Unis en vinrent à l'incorporer comme point d'appui stratégique. (...) Pour les élites juives américaines, la soumission d'Israël au gouvernement américain était un don du ciel. (...) Alors que jusqu'en 1967, l'idée de l'Etat d'Israël évoquait le spectre de la double appartenance, il devint soudain, à ce moment-là, le symbole de la loyauté par excellence. (...) Du coup, les élites juives américaines découvrirent soudain Israël. Après la guerre de 1967, on pouvait faire l'éloge de l'élan militaire israélien puisque ses fusils étaient pointés dans la bonne direction, celle des ennemis de l'Amérique. Ses prouesses martiales permettraient peut-être même de pénétrer dans le saint des saints du gouvernement américain. (...)

L'Etat d'Israël avait fait fonds sur l'holocauste nazi pendant le procès d'Eichmann. Après la guerre de 1967 (...), les associations juives américaines ont exploité l'holocauste nazi. L'Holocauste (devenu un capital comme je l'ai déjà noté) une fois adapté idéologiquement s'avéra l'arme parfaite pour désamorcer les critiques d'Israël. (...) L'Holocauste remplissait la même fonction que l'Etat d'Israël : un pion parmi d'autres, d'une valeur inestimable, dans le jeu de la conquête du pouvoir. Le souci affiché du souvenir de l'holocauste était aussi artificiel que le souci affiché pour le destin d'Israël. (Le souci des survivants de l'holocauste nazi était tout aussi artificiel : ils étaient réduits au silence avant 1967, parce qu'ils étaient dangereux; ils furent canonisés après juin 1967, parce qu'ils étaient devenus un atout.)"

La lucidité implacable de Finkelstein vis-à-vis des lobbys de sa propre communauté a quelque chose d'impressionnant. Quel courage ne lui a-t-il pas fallu ! Cependant, il n'est pas le seul de son avis chez les Juifs. Il cite notamment l'écrivain israélien Boas Evron écrivant que "l'attention qu'on porte à l'Holocauste" est en fait "un endoctrinement officiel, de la propagande, une ressassement de mots d'ordre et une vision fausse du monde, dont le véritable but n'est pas du tout de comprendre le passé mais de manipuler le présent."


Plus martyr que moi, tu meurs !
Profond humaniste, Norman Finkelstein incite ses frères juifs à condamner tous les génocides, et non pas seulement celui dont ils furent les victimes. Et il est particulièrement scandalisé par une attitude arrogante et isolationniste qu'il rencontre trop souvent chez les spécialistes de l'Holocauste, qui se sentent presque offusqués que l'on veuille condamner d'autres génocides aussi fermement que le leur, comme s'ils craignaient une sorte de "concurrence dans le martyre". Il cite à ce propos une étrange opération menée par des dirigeants juifs contre la reconnaissance du génocide arménien, sur fond de politique internationale : "(...) La Turquie est l'alliée d'Israël, ce qui simplifie encore les choses. La mention d'un génocide arménien est donc tabou. Elie Wiesel et le rabbin Arthur Hertzberg ainsi que le Comité juif américain et Yad Vashem ont quitté une conférence internationale sur le génocide à Tel Aviv parce que les organisateurs, des universitaires, avaient prévu des séances sur le cas arménien, contre l'avis du gouvernement israélien. Wiesel a cherché également, à titre personnel, à faire échouer la conférence : d'après Yehuda Bauer, il est intervenu personnellement auprès des autres participants pour qu'ils se retirent aussi. A l'instigation d'Israël, le conseil de l'Holocauste des Etats-Unis a éliminé pratiquement toute mention des Arméniens du musée de l'Holocauste de Washington et des activistes juifs au Congrès ont fait barrage à l'adoption d'un "jour du souvenir" pour le génocide arménien."

Finkelstein s'élève également contre d'autres discriminations visant à exclure du "devoir de mémoire" des groupes ethniques également martyrisés. Et son analyse des motifs de cet exclusivisme juif projette une lumière crue sur certaines arrière-pensées. Il écrit : "La principale difficulté rencontrée par le musée de l'Holocauste a été de justifier l'exclusion du génocide des Tsiganes. Les nazis ont systématiquement assassiné cinq cent mille Tsiganes, ce qui correspond, proportionnellement, à une perte à peu près égale à celle des Juifs pendant le génocide. (...) Reconnaître le génocide des Tsiganes aurait pour conséquence de supprimer le monopole juif de l'Holocauste, avec une perte concomittante incalculable pour le "capital moral" juif. (...) Dans l'exposition permanente du musée, les victimes non-juives du nazisme ne figurent que symboliquement."


Où passe donc l'argent ?
Mais où l'indignation de Finkelstein parvient à son comble, c'est lorsqu'il constate l'usage qui est fait des indemnisations versées par l'Allemagne aux victimes de l'holocauste. Il parle ici des nouvelles indemnisations réclamées, car il note que, dès le début des années 50, l'Allemagne démocratique admit de verser des indemnisations et que, "sans pression extérieure, ou presque", elle commença de les payer et que le total des paiements se monte à environ 60 milliards de dollars à ce jour. Quant aux nouvelles demandes, il ajoute : "La Conférence des réclamations était censée utiliser l'argent, dix millions de dollars par an pendant douze ans, soit à peu près un milliard de dollars actuels, pour les Juifs victimes des persécutions nazies qui n'auraient pas bénéficié du système de compensation. Ma mère faisait partie de ceux-là : survivante du ghetto de Varsovie, du camp de concentration de Majdanek et des camps de travail forcé de Czestochowa et de Skarszysko-Kamiena, elle n'a touché que 3.500 dollars de compensation du gouvernement allemand. (...) D'autres, engagés dans la procédure des réparations s'en sont fort bien tirés. Le salaire officiel de Saül Kagan (qui fut longtemps le secrétaire général de la Conférence des réclamations) est de 105.000 dollars par an. (...) Alphonse d'Amato, un ex-sénateur de New-York, sert d'intermédiaire dans des procès contre des banques allemandes et autrichiennes pour un salaire de 350 dollars de l'heure plus les frais. Pour les six premiers mois de son labeur, il a perçu 103.000 dollars. (...) Lawrence Eagleburger, ancien ministre des affaires étrangères de George Bush, touche un salaire annuel de 300.000 dollars en tant que président de la Commission internationale sur les réclamations pour l'époque de l'Holocauste. (...) Kagan gagne en douze jours, Eagleburger en quatre jours et d'Amato en dix jours ce que ma mère a reçu pour six ans de persécution nazie."

Et l'auteur ne manque pas de dénoncer aussi vigoureusement les profits des avocats, juifs eux-mêmes pour la plupart : "Gizella Weisshaus, la première plaignante à engager un procès sur la base d'un compte dormant suisse, a renvoyé son avocat, Edward Fagan, en se plaignant amèrement qu'il l'ait utilisée à ses fins propres. La note d'honoraires de Fagan au tribunal se montait à quatre millions de dollars. Le montant total des honoraires des avocats est de quinze millions, beaucoup d'entre eux facturant au prix de six cents dollars de l'heure. Un avocat demande deux mille quatre cents dollars pour la lecture du livre de Tom Bower L'or nazi. (...)

Pour les survivants nécessiteux ...s'il en reste
Concernant l'affaire des comptes dormants juifs dans les banques suisses, Finkelstein ajoute :
"...le Congrès juif mondial veut que presque la moitié de l'argent suisse aille aux associations juives et à "l'enseignement de l'Holocauste".(...) Et pourtant, l'industrie de l'Holocauste avait obligé les Suisses à un accord parce que le temps pressait (car): "Les survivants nécessiteux de l'Holocauste meurent chaque jour". Après la signature de l'accord par les Suisses, cependant, l'urgence a miraculeusement disparu. Plus d'un an après, il n'y avait toujours pas de programme de répartition des sommes. On peut penser que lorsque l'argent sera finalement distribué, tous les "survivants nécessiteux de l'Holocauste" seront morts. (...) Après le paiement des honoraires d'avocats, l'argent suisse affluera dans les coffres des associations juives "méritantes"."
Là encore, Finkelstein n'est pas seul à soulever le lièvre. Il cite les propos de Michael Kleiner, député israëlien à la Knesset, membre du parti Herut, qui va jusqu'à qualifier la Conférence des réclamations de "Judenrat, continuant l'oeuvre nazie de maintes façons" et jugeant que c'est "une institution malhonnête, qui observe le secret professionnel et qui reste entachée d'une horrible corruption publique et morale, (...) une institution de ténèbres qui maltraite les survivants juifs de l'Holocauste et leurs héritiers et dort sur un gros matelas d'argent appartenant à des personnes privées mais qui fait tout pour hériter (de l'argent) alors qu'elles sont encore vivantes."
On imagine la tempête qu'auraient soulevée de tels propos s'ils avaient été tenus par des non-juifs ! (Je ne reproduis pas ici les références des citations, mais elles sont toutes soigneusement répertoriées, avec dates et lieux de publication, dans le livre de Finkelstein.)


Et maintenant, c'est au tour des pays de l'Est
Outre son désir de justice et de probité, ce qui a motivé Finkelstein dans la rédaction de son ouvrage, c'est aussi la crainte d'un réveil de l'antisémitisme engendré par les abus de la Conférence des réclamations. D'autant que les membres de la Conférence semblent incapables de mettre un terme à leurs demandes et recherchent avidement de nouvelles sources de profits. Ainsi écrit-il : "L'extorsion d'argent à la Suisse et à l'Allemagne n'a été que le prélude à l'apothéose, l'extorsion de fonds aux pays d'Europe de l'Est. Avec l'effondrement du bloc soviétique, des perspectives séduisantes se sont ouvertes dans l'ancien centre des Juifs d'Europe. Se drapant dans l'hypocrite manteau des "victimes nécessiteuses de l'Holocauste", l'industrie de l'Holocauste cherche à extorquer des milliards à ces pays déjà appauvris. Comme elle poursuit son but sans le moindre ménagement, elle est devenue la principale cause du développement de l'antisémitisme en Europe. (...)"

Dans la présentation du livre, l'éditeur confidentiel de cette "pré-publication" exprime le souhait qu'un éditeur français en réalise une véritable édition publique. Je m'associe pleinement à ce voeu, car Norman Finkelstein a produit une oeuvre de salubrité publique qui peut aider à moraliser l'activité des grandes associations, qu'elles soient juives ou non.

Car les abus de la Conférence des réclamations n'ont rien de spécifiquement juif, contrairement à ce que nos indécrottables antisémites aimeraient sans doute faire accroire. Il s'agit en fait des abus potentiels de tout groupe humain se trouvant en position de force et en mesure de drainer des sommes d'argent considérables au profit théorique d'une cause humanitaire ou sociale. Les scandales récents de l'ARC, d'ELF, de la MNEF ou de l'AFER prouvent que la rapacité humaine peut se manifester partout où sont réunies les conditions de légitimité apparente, d'énormité financière, d'opacité facile et d'absence de contrôle. Des partis ou des centrales syndicales "bien de chez nous" ne sont sans doute pas exempts de courir ce risque.

"Il ne faut pas tenter le diable" dit la sagesse populaire. Et c'est vraiment le tenter que d'offrir sur un plateau à quelques hommes faillibles parés d'une auréole de justiciers la possibilité d'aspirer dans leurs coffres des milliards de dollars.

Dans cette affaire de l'holocauste, je crois que la grande erreur a été d'attribuer à des associations dites "représentatives" des indemnités qui eussent dû être versées exclusivement à des spoliés ou à leurs ayant-droits invités à se présenter individuellement. La "représentativité" associative ne doit jamais encaisser elle-même ce qu'elle obtient pour ses mandants, sinon tous les détournements de fonds deviennent possibles, pour ne pas dire inévitables.

NB. Il s'agit ici d'un extrait d'un article de la Revue "L'ère nouvelle" de Pierre Lance. Numéro 140 de Janvier-Férier 2001, habilement intitulé "QUE FAUT-IL PENSER DES RÉVISIONNISTES ? ", (http://perso.wanadoo.fr/lerenouvelle/pub/R%8Evisionnistes.htlm,) au début duquel on pouvait aussi lire :

La révision des connaissances historiques a toujours existé et elle est un devoir de probité culturelle auquel l'élite intellectuelle d'un peuple ne saurait se soustraire. Car l'Histoire pèse d'un poids très considérable sur l'évolution d'une nation ou d'une civilisation, souvent même plus qu'on ne le soupçonne.

Mais dès que l'on se penche sur l'étude du passé, et particulièrement lorsqu'il s'agit des grands évènements tragiques, une question cruciale se pose : Où commence l'Histoire ? Une première réponse serait peut-être de dire : Là où finit la douleur des vivants. Tentons d'étudier posément le problème.

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Pourtant, il y a pire encore. C'est le cas où la vérité historique, quoique largement publiée, connue de toutes les personnes cultivées et répertoriée dans toutes les bibliothèques de la planète, ne réussit pourtant pas à supplanter le mensonge traditionnel implanté dans les cerveaux par des siècles d'impérialisme spirituel. Et l'on assiste alors à cet effarant spectacle : des enseignants, des élus, des journalistes, tous, à les en croire, plus fidèles serviteurs les uns que les autres de la sublime Vérité, distillant à longueur de discours, de colonnes et d'antennes une fable devenue littéralement "sacrée", quoique dénuée de tout fondement.

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Est-ce à dire que les historiens doivent s'abstenir de travailler avant l'échéance que je viens de suggérer ? Non, bien sûr; au contraire. Ils doivent réunir, archiver, enregistrer tous les documents, témoignages et autres pièces à conviction qui permettront, le moment venu, d'établir aussi incontestablement que possible la vérité historique. Mais vouloir la jeter au visage de tous ceux qui en ont souffert ou qui pourraient en avoir des remords est une gageure que je crois insoutenable (sauf peut-être en des cas très particuliers, aucune règle générale ne devant être absolue).

 

 

C'était infiniment injuste vis à vis des Palestiniens de donner , en 1947, à "un peuple sans terre" - malgré son passé très douloureux récent et bi-millénaire -  la meilleure  partie de ce qui n'était absolument pas "une terre sans peuple". Et il est très compréhensible que les états arabes environnants refusèrent ce partage inique cautionné avant tout par les USA, l'Angleterre et la France.

On sait les guerres et les drames pour les deux côtés qui s'en suivirent.

Mais en 2003, s'il faut bien se résigner à l'existence de l'état d'Israël (qui n'a toujours pas de constitution), il importe de réparer au mieux l'injustice et de permettre aux Palestiniens de vivre dans leur état avec des frontières  sûres pour un territoire économiquement viable soutenus économiquement par les principaux auteurs de l'injustice de 1947, et Israël évidemment.

      JMG  

 

Les Juifs, le sionisme et Israël

Soutenir le peuple palestinien

         Il est difficile de ne pas commencer par l'actualité. Dans la guerre qui oppose le gouvernement et l'armée israélienne au peuple palestinien, il y a un occupant et un occupé. Il y a un peuple qui compte ses morts par milliers, qui subit tous les jours les pires humiliations, à qui on vole la terre et l'eau, dont on détruit les maisons et les infrastructures. Et il y a des colons, fanatisés et surarmés dont la présence est la cause principale de la guerre. Il y a des Palestiniens qui ont fait une concession majeure : limiter leur futur état aux territoires occupés en 1967 soit 22% de la Palestine historique. Et il y a une classe politique israélienne qui reste autiste. La droite rêve toujours d'Israël du Nil à l'Euphrate et d'une expulsion massive des "Arabes". Quant à la prétendue gauche, elle n'a jamais imaginé autre chose pour les Palestiniens qu'un "bantoustan". Et elle n'a jamais cessé la colonisation.

         Je n'idéalise pas la société palestinienne qui a aussi ses intégristes ou ses racistes. Mais le peuple palestinien n'a qu'un seul choix : résister malgré les massacres et les humiliations. Il a besoin de notre soutien total. On ne peut donc pas se contenter "d'être pour la paix" ou de renvoyer dos-à-dos les belligérants. On doit exiger le retrait d'Israël de tous les territoires occupés en 1967, le démantèlement de toutes les colonies et l'expulsion de tous les colons.

La question centrale

         D'autres seront beaucoup plus compétents que moi pour parler de cette guerre. Je vais donc limiter mon intervention à une question cruciale pour la suite de la guerre. Pourquoi la grande majorité des Juifs soutiennent-ils, quoi qu'il fasse, le gouvernement israélien (la manifestation du CRIF vient hélas encore de le prouver) ? Pourquoi, à l'heure où l'on réalise (enfin) les ravages des nationalismes, le Sionisme reste-t-il si populaire chez les Juifs ? Comment un peuple qui a subi l'extermination nazi peut-il pratiquer ou approuver les violations quotidiennes des droits les plus élémentaires ?

         Ma réponse, et c'est ce thème que je vais développer, c'est que le Sionisme et l'Etat d'Israël constituent une espèce de perversion de l'identité Juive (qui est essentiellement liée à la diaspora) et que la dérive actuelle est la conséquence d'une réécriture de l'histoire du Judaïsme. La construction artificielle d'une prétendue identité israélienne s'est faite en détruisant les langues, les cultures et les valeurs des Diasporas. La société israélienne est malade et éclatée. Sa seule cohésion, c'est le fantasme de l'encerclement hostile et de la destruction, c'est l'agitation perpétuelle du souvenir de l'antisémitisme et de la Shoah. Mais là encore, il y a à mon sens, une escroquerie. Le Sionisme n'a aucune vocation à lutter contre l'antisémitisme et n'a aucun droit à récupérer la Shoah.

        Qu'est-ce qu'être Juif ?

        Au départ, il y a un peuple lié à une religion et à un territoire mais tout s'est modifié après la destruction du IIe temple par les troupes romaines (70 ap. JC). La dispersion (diaspora) a entraîné de nombreuses conversions (dans les deux sens).

         Il est clair que, physiquement, un Juif éthiopien (Falacha) ne ressemble pas à un Juif d'Afrique du Nord ou à un Juif d'Europe centrale. On est au départ juif par religion. L'Inquisition espagnole passera à une définition raciale puisque, après l'expulsion des Juifs, elle s'en prendra aux "conversos" et aux Marranes, bref à tous ceux qui ont "du sang juif". L'antisémitisme moderne et en particulier le nazisme définira également les Juifs comme une "race" inférieure qu'il faut anéantir. Mais le Sionisme aussi donne une définition "raciale" du judaïsme. On est juif "par sa mère". Ainsi, moi qui suis né de parents Juifs, athée, non circoncis, antisioniste et de culture française, je peux devenir automatiquement citoyen israélien si j'émigre alors qu'un "Arabe israélien" (terme désignant les Palestiniens qui ne sont pas partis en 1948) sera toujours un étranger dans son propre pays qui se définit comme un "Etat juif".

 

         On confond trop souvent le peuple juif (ou plutôt les peuples juifs, car les histoires des diasporas ont beaucoup divergé), la religion israélite, l'idéologie sioniste et la nationalité israélienne. Il s'agit de 4 concepts bien distincts.

 

         Il existe une version tragique de l'histoire des Juifs. C'est celle "du Dernier des Justes", le livre d'André Schwartz-Bart (1959). C'est l'histoire d'une famille qui commence avec le pogrom d'York en Angleterre au Xe siècle et qui s'achève à Auschwitz où le dernier descendant est gazé. L'histoire des Juifs n'a pas toujours été aussi tragique. C'est avant tout celle d'un peuple sans territoire qui a appris (comme les Tsiganes) à défendre son identité, ses valeurs, sa culture malgré l'adversité. Un peuple qui, par nécessité, a développé des formes d'universalisme, de cosmopolitisme. Un peuple forcé de vivre dans des "ghettos" et de pratiquer les métiers interdits aux autres (dont l'usure). Un peuple qui a emprunté chez d'autres peuples (espagnol, allemand, arabe) ses langues (le ladino, le yiddish, le judéo-arabe), sa musique et une partie de sa culture.

        L'antisémitisme

        Au départ les Juifs ont subi un antijudaïsme essentiellement chrétien (les Juifs étant "déicides"), marqué par des massacres (les Croisades ont commencé par un génocide contre les Juifs de la vallée du Rhin) et des pogroms (en Espagne, en Europe orientale). Dans les pays musulmans, les Juifs avaient un statut, comme toutes les minorités religieuses pratiquant une "religion du Livre". Statut d'infériorité mais qui les protégeait, sauf en cas de crise, des exactions. L'antijudaïsme religieux va prendre une nouvelle forme dans l'Espagne du XVe siècle. L'unification du pays et la construction d'un Etat moderne s'accompagne d'une véritable "purification ethnique" contre les Maures et les Juifs.

 

         La sortie du ghetto commence en Allemagne au début du XVIIIe siècle. Elle se poursuit avec les droits qu'obtiennent les Juifs européens après la Révolution française. Cette possibilité de sortie du ghetto se traduit chez les Juifs par un profond désir d'assimilation, par une distanciation avec la religion et par une adhésion massive à la laïcité, aux idées des "Lumières", voire aux idées révolutionnaires naissantes.

 

         L'antijudaïsme chrétien traditionnel cède alors la place à l'antisémitisme moderne. Le Juif personnifie celui qu'on ne voit pas mais qui est là, qui ressemble à l'autre mais qui est "impur". Il est haï, non pas parce qu'il vit ailleurs, mais au contraire parce que socialement il s'est intégré et qu'il brise les délires de société homogène, ethniquement pure et parfaitement ordonnée. Il est perçu comme un obstacle à la construction (nationaliste) des états modernes. Il est significatif que le pays où l'antisémitisme a atteint sa forme la plus extrême (l'Allemagne) est celui dont les Juifs étaient culturellement les plus proches. Les Juifs européens parlaient une langue dérivée de l'allemand. De très nombreux intellectuels, écrivains, artistes ou hommes politiques allemands étaient juifs ou d'origine juive.

         La figure juive qui est insupportable à l'antisémite pathologique, c'est celle de Marx, de Freud, de Kafka, de Rosa Luxembourg, bref c'est cette forme d'universalisme ou de pensée rebelle. C'est là qu'il faut éviter tout contresens avec les attaques actuelles contre des synagogues ou des écoles juives. Ces attaques imbéciles, fort bien condamnées par Leïla Shahid viennent de gens qui font les mêmes assimilations hâtives que les Sionistes. Ils mélangent juif, israélite, israélien et sioniste. Ils s'imaginent que leur acte est une forme de protestation contre la violence de l'armée israélienne alors qu'ils desservent la cause palestinienne.

 

         Encore une fois, l'antisémitisme historique, celui de Céline, de Brasillach ou du régime de Pétain ne s'en prenait pas à l'image du tankiste israélien. L'antisémitisme a frappé un peuple dont la culture minoritaire a disparu. La moitié des Juifs Européens a été exterminée par les Nazis. Et le Sionisme s'est ingénié auprès des survivants à faire disparaître la spécificité du peuple Juif en construisant un pays "ethniquement pur", reproduisant les mêmes tares que bien d'autres régimes qui ont cultivé ce mythe meurtrier. L'antisémitisme a été un élément fondateur et fédérateur de toutes les formes de fascisme et il n'est pas étonnant que Le Pen reprenne régulièrement des thèmes antisémites. Mais l'antisémitisme n'a rien à voir avec l'antisionisme. Il y a des Juifs antisionistes (peu hélas) et il y a en revanche beaucoup de fascistes qui ont, dans leur racisme anti-arabe, une certaine admiration pour Israël. Encore une fois, il faut lutter contre toute banalisation de l'antisémitisme ou de l'antijudaïsme. Mais en s'engageant à fond dans le soutien à Sharon, les "institutions Juives" (je reviendrai plus loin sur le CRIF) favorisent la confusion et en profitent pour inciter les Juifs français à émigrer en Israël.

        Le Sionisme et la réécriture de l'histoire

        Il est symptomatique de constater que les dirigeants sionistes ont toujours eu le souci de propager une version de l'histoire du judaïsme qui fasse de la construction de l'Etat d'Israël un aboutissement naturel. Ainsi Shamir, à l'ouverture de la conférence de Madrid (1991, premier pas vers les accords d'Oslo) affirme que les Juifs sont en Palestine sans interruption depuis 4000 ans. C'est bien sûr faux. Entre la prise de Massada par les Romains (vers 130 ap JC) et l'arrivée de Juifs Espagnols en Galilée à la fin du XVe siècle, il n'y a quasiment plus de Juifs en Palestine, en tout cas beaucoup moins en proportion que dans les pays voisins. Ministre de l'Education de Sharon, Mme Livnat en rajoute une couche. "La Palestine a été envahie par les Arabes comme l'Espagne et elle s'en est libérée comme l'Espagne (! !). Les Juifs seraient majoritaires à Jérusalem depuis 1868" etc.… Des délires ? Certes, mais les partisans de la Grande Serbie déliraient aussi en affirmant que les Albanais étaient des envahisseurs venus du Caucase et les génocidaires du Rwanda déliraient en affirmant que les Tutsis étaient des étrangers venus d'Ethiopie. On a vu le résultat de ces délires. Il est facile de réécrire l'histoire. Dans le Golan occupé, j'ai vu des villages dynamités, des mosquées écroulées. Par contre, à l'entrée de Qatzrin ; la ville nouvelle israélienne, on a opportunément retrouvé les ruines d'une synagogue de l'Antiquité. Le tour est joué et l'annexion justifiée.

 

         Le Sionisme se définit comme un "mouvement de libération national". Il apparaît au moment de l'affaire Dreyfus et du pogrom de Kichinev. Jusqu'en 1945, il sera minoritaire parmi les Juifs européens. Il y avait 100.000 Juifs en Palestine au moment de la déclaration Balfour (1917) et 400.000 pendant la deuxième guerre mondiale (1/3 de la population de la Palestine). Les Juifs d'Europe à cette époque ont massivement abandonné toute pratique, voire toute croyance religieuse. Ils ont massivement adhéré aux idées révolutionnaires. On en trouve dans tous les partis et en particulier au P.C. Pour les nazis, Juif=Bolchevik. Un autre mouvement, le Bund est hégémonique en Pologne. Il prône la libération des Juifs par la révolution socialiste, l'égalité des droits et l'autonomie culturelle.

 

         Bref, face aux communistes pour qui "il n'y a pas de question juive" ou aux Sionistes qui revendiquent un territoire (avec le fameux mythe meurtrier de "la terre sans peuple pour un peuple sans terre"), les Bundistes proposent une émancipation des Juifs sur place, sans territoire spécifique. Au départ, la "gauche" est largement majoritaire chez les Sionistes. Le Poale Sion sera en URSS un compagnon de route du P.C. jusqu'à son élimination par Staline. Les kibboutzim sont fondés par des socialistes utopiques. Et les jeunesses sionistes (l'Hashomer Hatzaïr) serviront souvent d'antichambre à un engagement plus radical.

 

         Mais les institutions juives qui s'installent en Palestine organisent dès le départ l'expropriation des Palestiniens de leurs terres. Dès 1930, apparaît la droite sioniste. Son chef, Jabotinski, se définit comme "révisionniste". C'est un admirateur de Mussolini qui prône l'expulsion de tous les Palestiniens. C'est son programme que Sharon essaie d'appliquer aujourd'hui. La droite Sioniste n'est pas un accident de l'histoire. C'est la conséquence inévitable de toute logique nationaliste qui, au nom des prétendus intérêts d'un peuple, finit par nier les droits de tous les autres.

        La Shoah

        Israël est une conséquence indirecte de la Shoah. Avant Auschwitz, l'idée que la seule solution pour les Juifs était d'avoir un état était largement minoritaire. Le génocide perpétré par les Nazis représente bien la barbarie absolue, l'énergie de l'Etat le plus puissant du monde étant entièrement tournée vers l'extermination de masse. D'autres régimes barbares ont essayé d'imiter les Nazis mais sans en avoir les moyens. Et il serait ridicule de comparer les atrocités actuelles commises en Cisjordanie ou à Gaza avec la Shoah.

 

         Les Sionistes affirment que si Israël avait existé, les Juifs auraient été sauvés. Mensonge évident. La résistance Juive au Nazisme a été essentiellement communiste ou Bundiste. Les communistes juifs qui avaient massivement participé aux Brigades Internationales se sont engagés dans la résistance souvent contre l'avis du parti avant l'attaque de l'URSS par Hitler (voir l'exemple de Léopold Trepper, fondateur de "l'orchestre rouge"). Ils ont formé une large partie de la MOI ("main d'œuvre immigrée"), principal groupe de résistance à Paris en 1943. Les Bundistes ont joué un rôle déterminant dans l'insurrection du ghetto de Varsovie. Tous les Juifs n'ont pas eu la même conscience. L'UGIF (Union Générale des Israélites Français), ancêtre du CRIF, a collaboré avec le régime de Pétain en donnant ses fichiers et en sacrifiant les Juifs étrangers (lire Maurice Rajsfus). Il y a eu des Juifs collaborateurs espérant naïvement sauver leur peau. Le groupe Manouchian exécutera le traître Rabinowicz et les insurgés de Varsovie liquideront l'administration (juive) du ghetto ?

 

         Et les Sionistes ? Il a existé très peu de groupes de résistance sionistes. En Palestine, de nombreux Juifs se sont engagés dans l'armée anglaise (Moshé Dayan a perdu son œil en combattant les Pétainistes en Syrie) mais la droite sioniste est restée aveugle très longtemps. En 1942, le groupe Stern commettait toujours des attentats … contre les Britanniques.

        La fondation d'Israël

        Avec l'ouverture des archives, des historiens " dissidents " israéliens ont pu réécrire la vraie histoire de la guerre de 1948. Ilan Pappé montre que l'image du "David israélien face au Goliath arabe" est assez largement une invention propagandiste. Consciemment, la "communauté internationale" et l'ONU ont choisi de faire payer au peuple palestinien les crimes du Nazisme dont il n'était pas responsable. La visite en Allemagne Nazi du grand mufti de Jérusalem a été habilement utilisée.

 

         Les Palestiniens appellent cette guerre la "Nakba" (la catastrophe). On sait maintenant qu'ils ne sont pas partis spontanément. Le plan "Dalet" (D en Hébreu) avait prévu leur expulsion et la supériorité militaire israélienne ne faisait aucun doute. Des villes comme Lydda (Lod) ou Ramla ont été vidées de leur population palestinienne en une journée. Là où les Palestiniens sont restés (Haïfa, Nazareth), ils le doivent à la présence militaire de l'armée britannique. Bien sûr, c'est l'Irgoun, bras armé de la droite de Begin, qui a réalisé le massacre de Deïr Yassine mais Pappé montre qu'il y avait complémentarité entre ces milices et la nouvelle armée israélienne. La responsabilité des régimes arabes est écrasante. Ils ne se sont pas vraiment battus, ils ont même pactisé avec les Israéliens (pour la Jordanie, c'est évident). Ils ont contribué à peupler le nouvel Etat d'Israël en incitant assez vivement le million de Juifs des pays arabes à partir.

Une société à la dérive

         Israël s'est fondé sur des mensonges (la terre sans peuple, le départ "spontané" des "Arabes") et sur la négation de l'existence et des droits du peuple palestinien. Le pays s'est transformé en une tête de pont de l'impérialisme américain dans la région. Au départ, la justification de l'existence d'Israël était que c'était la seule solution pour les Juifs persécutés dans le monde entier. Cette justification ne tient plus. Seule, une minorité d'Israéliens a connu ces persécutions. L'arrivée massive des Juifs du Monde Arabe, des Juifs soviétiques ou l'émigration actuelle correspondent à une autre histoire, celle d'un prétendu "retour identitaire".

 

         Le projet sioniste est devenu dès les années 50 un projet de conquête et de peuplement. Pour fabriquer l'Israélien nouveau, il a fallu détruire patiemment le "Juif", l'étranger, le cosmopolite, l'universaliste, l'exilé… Il a fallu liquider les langues de la Diaspora. Il a fallu redéfinir le Juif, définition forcément raciale et religieuse. Le pays est devenu théocratique. Alors que les "laïques" étaient largement hégémoniques au départ, les religieux les plus fanatiques ont surfé sur ce pseudo repli identitaire. La conquête de nouveaux territoires en 1967 était préméditée. Les plans militaires étaient prêts depuis longtemps. C'est la "gauche" qui a installé les premières colonies.

 

         La formidable progression de la droite, de l'extrême droite et des religieux est le résultat de cette fuite en avant. L'arrivée au pouvoir de Begin en 1977, c'est un peu comme si Salan et l'OAS avaient pris le pouvoir en France pendant la guerre d'Algérie. Tous les dirigeants de cette droite ont commis des crimes de guerre : Begin à Deïr Yassine, Shamir en commanditant l'assassinat du comte Bernadotte, Sharon en permettant l'entrée des milices phalangistes à Sabra et Chatila. Il y a clairement des Juifs fascistes (aussi choquant que cela puisse paraître) : le rabbin Meïr Kahane (assassiné) fondateur du Kach, l'assassin de Rabin (dont la famille est venu du Yémen, voilà le résultat d'une destruction de ses racines) ou le ministre Libermann qui rêve de bombarder le barrage d'Assouan. L'extrême droite est à la fois "laïque" (des partis comme le Tsomet, le Moledet) et religieuse (le Shass, le PNR, le Goush Emounim …). Le projet d'installer des colonies dans les territoires occupés en attirant les immigrants par des subventions, des loyers ridicules et des installations luxueuses est un projet fasciste. Toutes ces colonies devront être démantelées.

 

         Et la gauche israélienne ? Majoritairement (l'establishment travailliste), elle rappelle Guy Mollet pendant la guerre d'Algérie. Elle a organisé ou approuvé tous les mauvais coups contre la Palestine. Elle soutient le gouvernement Sharon. Elle est prête à accepter un Etat Palestinien mais réduit à un bantoustan : sans unité, sans viabilité, sans terres, sans eau, sans capitale. Il existe heureusement une minorité vraiment pacifiste : les réfractaires qui proclament que l'occupation corrompt toute la société et une poignée de personnalités (Amira Hass, Michel Warchawski, Ilan Pappé, Ury Avnery…). Quelques politiciens comme Yossi Beïlin, ou Abraham Burg évoluent vers ces positions.

 

         En Diaspora, le Sionisme a transformé toutes les organisations juives en organismes de propagande et de soutien inconditionnel à la politique israélienne. C'est le cas notamment du CRIF (représentatif de rien du tout, la plupart des Juifs français qui ne fréquentent pas ce genre d'institution n'ont jamais été consultés).

        Pour conclure

        On me dit parfois : "Tu as de la chance. Comme Juif et fils de déportés, tu peux te permettre de dire certaines choses. Nous, on nous taxera d'antisémitisme." (Moi, on me taxera de traître ou de Juif honteux). Il me semble qu'il faut raisonner autrement. Fait-on du racisme anti-arabe quand on dénonce le GIA ou les fous de Dieu ? N'y a-t-il pas au contraire urgence à défendre les Arabes qui refusent l'intégrisme ? Pour le Sionisme, c'est pareil. Non seulement il commet des crimes contre le peuple Palestinien, mais il constitue une pression intolérable contre les Juifs qui refusent la dérive nationaliste et le repli communautariste.

         Le Sionisme représente pour l'histoire du Judaïsme un peu ce que représente Milosevic pour l'histoire du peuple Serbe : une dégénérescence, le résultat d'un processus nationaliste, un enfermement de la pensée dans une logique névrotique et au bout du compte beaucoup de crimes. Quand je dis cela, je ne dis pas qu'il faut détruire Israël. On ne refera pas l'histoire et les dirigeants Palestiniens l'ont bien compris. Ils ont aussi fini par comprendre l'importance de la Shoah. Mais les mensonges fondateurs, "la loi du retour", l'arrogance … tout ceci doit cesser. La paix nécessitera à la fois un retrait de tous les territoires occupés, une égalité totale et une reconnaissance par l'Etat d'Israël de la "faute" originelle : les Palestiniens n'étaient pas responsables de la Shoah, on n'avait pas le droit de leur voler leur pays … et de continuer à le faire.

Pierre Stambul

Cet article a paru dans le n°10 de la revue L'Ecole Emancipée

 

 

 

 

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